Menopause et travail : le coût invisible que paient les femmes — chiffres, tabous et urgences
La ménopause n’est pas qu’une affaire de santé individuelle : elle pèse aussi sur la vie professionnelle des femmes et, par ricochet, sur l’économie. Pour la première fois en Italie, une étude nationale menée auprès de 1 576 travailleuses âgées de 45 à 65 ans met en lumière l’ampleur d’un phénomène trop longtemps tus : absences, baisse de performance, renoncements de carrière et, surtout, un lourd prix psychologique payé dans le silence. Les conclusions interpellent — et imposent des réponses politiques et managériales.
Une enquête nationale qui parle clair
Commanditée par l’Intergroupe parlementaire sur la ménopause et réalisée par l’Université IULM de Milan, l’enquête “Menopausa e Lavoro” croise données qualitatives et quantitatives. Elle montre que les troubles liés à la ménopause entraînent en Italie une perte estimée à 112 millions d’euros par an en journées d’absence. Mais derrière ce chiffre, il y a d’abord une réalité humaine : 64,3 % des femmes interrogées déclarent vivre des symptômes significatifs — fatigue persistante, troubles du sommeil, difficultés de concentration, sautes d’humeur — qui affectent leur qualité de vie et leur performance au travail.
La souffrance, souvent silencieuse
Un chiffre est particulièrement frappant : 76 % des femmes continuent de travailler « comme si de rien n’était », sans adapter leur rythme ni demander de soutien, malgré la souffrance. Plus d’un tiers (37,7 %) n’a jamais évoqué la ménopause avec qui que ce soit sur le lieu de travail. Plusieurs causes expliquent ce silence : la peur d’apparaître moins compétente, la crainte de perdre des opportunités ou d’être stigmatisée, et les contraintes économiques qui obligent à maintenir un emploi coûte que coûte.
Un impact mesurable sur la productivité et la carrière
Les répercussions ne sont pas seulement subjectives. Plus de la moitié des répondantes (54,5 %) perçoivent un impact direct des symptômes ménopausiques sur leur performance professionnelle. La fatigue, corrélée au mauvais sommeil, est le facteur le plus cité. Et lorsque des femmes changent leur organisation de travail pour mieux gérer leurs symptômes, le coût peut être élevé : 18,3 % d’entre elles ont renoncé à des opportunités de carrière après avoir modifié leur parcours professionnel. L’étude estime ainsi une perte nette qui contribue à une diminution de 4,9 % de la présence féminine en positions de leadership senior.
Un soutien encore trop rare en entreprise
Malgré ces enjeux, la réponse des entreprises reste timide : seulement 11,2 % des femmes déclarent avoir reçu un soutien adéquat de la part de leur employeur. Et plus de 83 % ignorent l’existence d’initiatives ou de politiques internes dédiées à la ménopause. Cette absence de dispositifs institutionnels place la charge de l’adaptation sur les seules épaules des femmes, renforçant l’idée d’un « coût invisible » supporté individuellement plutôt que partagé et géré collectivement.
Pourquoi la ménopause est un enjeu économique et sociétal
La ménopause devient donc un sujet de politique publique autant que de ressources humaines, exigeant une approche intégrée entre santé, droit du travail et égalité professionnelle.
Que disent les femmes elles‑mêmes ?
Au‑delà des chiffres, les témoignages recueillis révèlent une double attente : reconnaissance et réponses concrètes. Les femmes demandent d’être entendues sans jugement, de bénéficier d’aménagements temporaires ou permanents (horaires flexibles, télétravail, réorganisation des tâches) et d’un accompagnement médical et psychologique accessible. Elles réclament aussi l’information : beaucoup méconnaissent encore les possibilités d’adaptation ou de soutien.
Quels leviers pour agir en entreprise ?
Vers des politiques publiques dédiées
L’étude impulsée par l’Intergroupe parlementaire montre l’urgence d’un cadre public. Au‑delà des mesures internes aux entreprises, des politiques de santé au travail, des guides pratiques et des incitations financières pour les entreprises adaptantes pourraient lever des barrières. La reconnaissance institutionnelle de la ménopause comme facteur pouvant affecter la vie professionnelle ouvrirait aussi la voie à des protections juridiques et à des dispositifs de soutien nationaux.
Quelques actions concrètes déjà proposées
Un enjeu d’égalité et de dignité
Traiter la ménopause seulement comme une affaire privée revient à maintenir une inégalité structurelle : les femmes continuent d’assumer individuellement ce que les organisations pourraient gérer collectivement. Prendre la mesure de ce « coût invisible » et le traduire en politiques concrètes, en entreprise comme au niveau national, est une condition pour assurer l’égalité réelle des chances et permettre aux femmes de traverser cette étape de vie sans pénalisation professionnelle.




