L’été 2025 a été marqué en Italie par un scandale sans précédent : des photos volées de femmes, célèbres ou anonymes, ont été diffusées sur deux plateformes — le groupe Facebook « Mia Moglie » et le site Phica.eu — provoquant indignation et détresse. Face à l’ampleur de ce qu’on appelle désormais le « viol numérique », l’avocate Anna Bernardini De Pace vient de lancer une class action destinée à soutenir toutes les victimes regroupées sous l’étiquette « stupro digitale ». Cette initiative pourrait bien amorcer un véritable tournant socioculturel, estime le Collettivo Clara, qui accompagne déjà plusieurs femmes dans leurs démarches.

Le mécanisme de violation : des plateformes à l’assaut de l’intimité

Depuis juillet, deux espaces en ligne ont servi de tribunes à la diffusion de photos intimes volées :

  • « Mia Moglie », un groupe Facebook qui a rassemblé plus de 32 000 membres discutant et partageant des clichés sans consentement, ciblant essentiellement les épouses et compagnes de leurs propres amis.
  • Phica.eu, un site spécialisé où, avant sa fermeture, plus de 600 000 utilisateurs pouvaient publier et commenter les images, parfois en se donnant des conseils pour cacher des micro-caméras dans des cabines d’essayage ou des vestiaires.

Les victimes ont décrit un sentiment de trahison extrême, aggravé par l’absence de contrôle sur la diffusion et la peur d’une nouvelle exposition à chaque partage.

Class action et enjeux juridiques

Flambée de solidarité : l’avocate Anna Bernardini De Pace a officiellement déposé une class action visant à :

  • Déposer plainte collective contre les responsables et modérateurs des plateformes.
  • Obtenir réparation pour le préjudice moral et psychologique enduré par les victimes.
  • Exiger l’identification et la sanction des auteurs de diffusion non consensuelle d’images.

Cette procédure permet de mutualiser les coûts et de renforcer le poids juridique de chaque témoignage. Selon Bernardini De Pace, « c’est maintenant qu’il faut agir : refuser la normalisation de la violence numérique ».

Le soutien du Collettivo Clara

Raffaella Campolongo et Melissa Lombardi, fondatrices du Collettivo Clara, expliquent pourquoi cette class action est cruciale :

  • Un accompagnement psychologique et juridique est indispensable : seules 20 % des victimes obtiennent une réponse satisfaisante du système judiciaire.
  • Le collectif propose des entretiens gratuits avec des avocates et des psychologues pour évaluer chaque situation et guider les victimes pas à pas.
  • Une véritable campagne de sensibilisation doit naître autour du droit au respect de l’image et du consentement en ligne.

Les failles de la loi actuelle

En 2019, la loi italienne a introduit un délit de « revenge porn » (article 612-ter du Code pénal), mais plusieurs limites persistent :

  • Une définition juridique trop étroite, qui ne couvre pas toujours la diffusion massive ou anonyme.
  • Des procédures longues et coûteuses, décourageant de nombreuses plaintes.
  • L’absence d’obligation claire pour les plateformes de retirer rapidement les contenus illégaux.

Pour Campolongo, « il faut reconnaître le stupr o numérique comme un crime grave, avec des sanctions dissuasives pour les hébergeurs et les auteurs ».

Vers un « MeToo digital » ? Les pistes de réflexion

Le Collettivo Clara propose plusieurs axes de réforme :

  • Imposer aux plateformes un retrait sous 24 h de tout contenu signalé comme non consenti, sous peine d’amende.
  • Introduire un droit à l’effacement automatique pour les victimes, à l’image du « droit à l’oubli » du RGPD.
  • Créer un fonds d’indemnisation national pour soutenir les victimes et financer les actions de prévention dans les écoles et universités.
  • Lancer un programme de formation obligatoire sur le respect de la vie privée et du consentement dans les cursus scolaires.

Comment agir en tant que victime ou témoin

Si vous découvrez que vos images ont été diffusées sans accord :

  • Capturez immédiatement les pages concernées, en notant URL et horodatage.
  • Contactez une association ou un cabinet d’avocat spécialisé pour évaluer les démarches possibles.
  • Signalez le contenu aux plateformes via leurs outils de signalement (Facebook, services d’hébergement, moteurs de recherche).
  • Adressez une plainte formelle aux autorités judiciaires pour acte de « revenge porn » et violation de vie privée.
  • Rejoignez des collectifs de soutien pour rompre l’isolement et partager votre expérience.

L’importance de la mobilisation citoyenne

L’affaire « Mia Moglie » et Phica a mis en lumière un phénomène global : la diffusion non consensuelle d’images intimes touche plusieurs millions de personnes chaque année. En Italie, la class action en cours pourrait faire jurisprudence et encourager :

  • La reconnaissance du crime de stupr o numérique comme priorité nationale de lutte contre les violences de genre.
  • Le renforcement de la collaboration entre ONG, pouvoirs publics et entreprises digitales pour prévenir les dérives.
  • Une prise de conscience collective sur la responsabilité de chacun, qu’il soit auteur, modérateur ou simple consommateur de contenus.

Cette vague de protestation pourrait bien initier un « MeToo digital » européen, où le respect du consentement devient le nouveau standard social.

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