Jeudi 9 juillet 2025, une réunion organisée par la Région Piémont a relancé le débat sur l’avortement en Italie, non pas pour garantir un meilleur accès aux soins, mais pour évoquer la réouverture d’une « Stanza dell’Ascolto » anti-choix au sein de l’hôpital Sant’Anna de Turin. Plus inquiétant encore, la photographie de la table de travail en a surpris plus d’un : seuls des hommes y siégeaient pour décider du sort des femmes. Retour sur cette situation inédite et les enjeux qu’elle soulève.

La « Stanza dell’Ascolto » : un concept controversé

La « Stanza dell’Ascolto » est un espace mis en place à l’hôpital Sant’Anna pour accueillir des femmes envisageant une interruption volontaire de grossesse (IVG). Présenté comme un lieu de « soutien psychologique », il était, jusqu’à sa fermeture par la justice administrative (TAR) l’année dernière, animé par des associations anti-avortement. Ces dernières pouvaient notamment proposer des consultations qui ne respectaient pas le cadre légal et médical de l’IVG, influençant directement les patientes.

À l’origine, cet espace avait vocation à offrir une information neutre et un accompagnement bienveillant. Dans la pratique, des militants anti-choix organisaient ateliers, témoignages et entretiens destinés à dissuader les femmes de poursuivre leur démarche. Face aux plaintes de plusieurs collectifs féministes et au signalement d’irrégularités, le tribunal administratif a ordonné sa fermeture pour non-respect des obligations déontologiques.

Une réouverture décidée sans présence féminine

La nouvelle réunion avait pour objectif de réécrire la convention qui régit désormais la Stanza dell’Ascolto. Or, le tableau est édifiant : dix personnes autour de la table, toutes des hommes. Ni conseillères, ni gynécologues féminines, ni représentantes d’associations de défense du droit à l’IVG. Aucun professionnel de santé spécialisé dans l’obstétrique. Seulement des représentants politiques et des hauts fonctionnaires, majoritairement du genre masculin.

Cette absence totale de voix féminines lors d’un débat portant sur la santé reproductive démontre une méconnaissance ou un mépris flagrant de l’expérience même des patientes. Qui mieux qu’une femme ayant traversé une IVG peut témoigner des enjeux psychologiques et médicaux ?

Un symbole fort d’absence de représentation

  • Personnes présentes : élus régionaux, cadres administratifs, juristes, responsables d’associations religieuses.
  • Manque total de gynécologues et sages-femmes : impossible d’aborder la réalité médicale.
  • Absence d’associations de plaignantes ou de collectifs féministes : pas de retour d’expérience sur le terrain.
  • Décision unilatérale sur un sujet exclusivement féminin.

Ces éléments envoient un message clair : le corps des femmes demeure un objet de décision, mais non un sujet acteur de leur santé. Les réunions administratives se muent en tribunes où les femmes n’ont ni accès ni légitimité à s’exprimer.

Les enjeux de l’autodétermination

Le droit à l’IVG repose en Italie sur la loi n° 194 de 1978, qui garantit aux femmes un accès sécurisé et légal à l’interruption de grossesse. Au-delà de l’aspect médical, ce droit engage la notion d’autodétermination : pouvoir disposer de son corps en conscience, sans pression extérieure. Lorsqu’un espace de soutien est contrôlé par des acteurs opposés à l’avortement, il fausse l’information et prive les femmes de choix éclairés.

La présence exclusive d’hommes dans ces discussions ajoute une dimension symbolique indéniable : les décisions qui concernent directement le corps des femmes sont prises systématiquement par celles et ceux qui n’en ont pas l’expérience vécue.

Réactions et mobilisations

Plusieurs organisations féministes et collectifs de défense des droits des femmes ont immédiatement dénoncé cette réunion « sans aucune légitimité ». La Coordination Nationale pour le Droit à l’IVG a publié une tribune pour exiger :

  • L’intervention du ministère de la Santé pour arrêter toute activité anti-choix dans les établissements publics.
  • L’inclusion obligatoire de gynécologues et de psychologues spécialisés en santé reproductive.
  • La nomination de représentant·e·s de patientes ayant réellement eu recours à l’IVG.

Des rassemblements sont déjà prévus devant l’hôpital Sant’Anna pour réclamer un débat public et transparent, ouvert à toutes et tous.

Vers une prise en compte réelle des femmes

Pour garantir un accompagnement respectueux de l’autonomie des patientes, plusieurs pistes sont avancées :

  • Garantir la parité dans les instances décisionnelles portant sur la santé reproductive.
  • Mettre en place un comité consultatif incluant des professionnelles de santé, des juristes, des psychologues et des femmes usagères de la Stanza dell’Ascolto.
  • Assurer la formation déontologique de tous les intervenants, afin d’éviter toute forme de pression psychologique ou morale.
  • Renforcer la transparence des conventions et des bilans d’activité, accessibles aux citoyennes.

Ces mesures sont essentielles pour ne pas réduire le soutien à une simple opération de propagande anti-avortement, mais pour rétablir un véritable espace d’écoute neutre, centré sur les besoins et les droits des femmes.

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