Un nouveau regard sur les œstrogènes locaux en cas de cancer du sein

Au congrès 2025 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), une étude majeure a été dévoilée : l’utilisation d’œstrogènes vaginaux à faible dose ne compromet pas la survie des femmes ayant un antécédent de cancer du sein, mais au contraire pourrait l’améliorer. Ces résultats, issus du registre SEER-MHOS et portant sur plus de 18 000 patientes âgées de plus de 65 ans, bousculent les anciennes réticences et invitent à repenser la prise en charge des symptômes génito‐urinaires chez les survivantes.

Des bénéfices mesurés sur la survie

Le registre SEER-MHOS, qui croise données médicales et questionnaires de qualité de vie, a permis de comparer deux groupes de femmes : celles traitées par œstrogènes vaginaux et celles ne bénéficiant d’aucune thérapie hormonale locale. Les principaux enseignements sont sans appel :

  • Meilleure survie globale : les utilisatrices d’œstrogènes locaux présentent un taux de survie à long terme supérieur à celles qui n’en prennent pas.
  • Meilleure survie spécifique au cancer du sein : les analyses montrent une diminution du risque de récidive ou de décès lié au cancer du sein chez les patientes traitées.
  • Effet dose‐durée : l’avantage est d’autant plus marqué que la thérapie est poursuivie pendant plus de sept ans.

Sécurité confirmée même après un diagnostic

Jusqu’à récemment, de nombreuses patientes et praticiens craignaient que tout apport d’œstrogènes, même local, ne stimule de façon néfaste une tumeur hormonosensible. Or, l’étude présentée à ASCO 2025 précise qu’il s’agit ici strictement d’œstrogènes topiques à très faible dose. Injectés localement, ils n’entraînent pas d’augmentation significative des concentrations d’hormones dans le sang, ce qui explique leur profil de sécurité.

Des symptômes urogénitaux apaisés

Au cœur de la pratique médicale, le but est de soulager des troubles parfois invalidants : sécheresse vaginale, douleurs lors des rapports (dyspareunie), démangeaisons et irritations fréquentes en post‐ménopause ou sous traitements anti‐hormonaux. En améliorant l’humidité et l’élasticité des tissus muqueux, les œstrogènes locaux contribuent à rétablir une vie intime de qualité et à préserver le bien‐être des patientes.

Pourquoi les réticences persistent-elles ?

Malgré des preuves scientifiques tangibles, la rhétorique anti‐hormones perdure. Elle repose souvent sur des données dépassées ou confuses relayées par les médias et les réseaux sociaux. Résultat : certaines femmes renoncent à une solution thérapeutique qui, au contraire, pourrait leur offrir une meilleure qualité de vie sans compromettre leur pronostic vital.

L’avis des experts : un consensus nécessaire

Lors de cette session ASCO, Olivia Mitchel (University of Arizona College of Medicine), auteure principale de l’étude, a insisté sur le fait que “le risque est largement surestimé : refuser systématiquement toute forme d’œstrogènes locaux prive les patientes d’un traitement sûr et efficace.” Les oncologues et gynécologues sont désormais appelés à intégrer ces nouvelles recommandations dans leur pratique.

Bien distinguer local et systémique

Il est crucial de comprendre que les résultats concernent uniquement les œstrogènes appliqués localement, et non la thérapie hormonale substitutive (THS) systémique, qui comporte d’autres risques. Avant toute prescription, un bilan personnalisé et une discussion approfondie entre médecin et patiente restent indispensables.

Les bonnes pratiques pour une prise en charge optimisée

  • Consultation spécialisée : impliquer un gynécologue ou un oncologue formé aux questions post‐cancer du sein pour évaluer l’indication et le protocole.
  • Suivi régulier : prévoir des contrôles cliniques périodiques pour ajuster la dose et la durée du traitement.
  • Éducation des patientes : expliquer les différences entre traitement local et systémique, ainsi que les bénéfices et les risques respectifs.
  • Collaboration pluridisciplinaire : coordonner les soins avec les équipes d’oncologie, de gynécologie et de médecine générale pour une approche globale.

Vers une adoption plus large

À la lumière de ces données, les réseaux de santé et les associations de patientes peuvent jouer un rôle clé dans la diffusion de l’information : campagnes de sensibilisation, formation des professionnels et publication de guides pratiques. Une plus grande transparence autour des études cliniques et de leurs implications permettra de réduire les peurs infondées et d’améliorer la prise en charge des symptômes post‐ménopausiques chez les femmes ayant survécu à un cancer du sein.

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