Pourquoi le sucre dans les goûters d’enfants suscite autant de débats

La question de l’alimentation infantile est au centre des préoccupations parentales, éducatives et sanitaires. Plus particulièrement, le sucre dans les goûters d’enfants fait l’objet d’un débat intense. Devrait-on interdire les produits sucrés lors du goûter ? Faut-il bannir les biscuits, les jus industriels et autres confiseries ? Ou peut-on simplement apprendre à mieux doser ses apports sucrés ? Les experts en santé publique s’accordent sur certains points, mais les familles font aussi entendre leur voix, entre contraintes du quotidien et prise de conscience nutritionnelle.

Le sucre : un ennemi pour la santé des enfants ?

Le sucre, surtout lorsqu’il est ajouté de manière industrielle, est aujourd’hui pointé du doigt par de nombreux nutritionnistes. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la consommation journalière de sucres ajoutés ne devrait pas dépasser 10 % de l’apport calorique total, et même idéalement 5 % pour bénéficier de meilleurs résultats pour la santé.

Chez les enfants, une consommation excessive de sucre est associée à plusieurs risques :

  • Surpoids et obésité : un déséquilibre énergétique causé par un excès de sucre favorise la prise de poids.
  • Apparition précoce de diabète de type 2 : bien que plus rare chez l’enfant, le diabète est en progression chez les plus jeunes.
  • Problèmes dentaires : le sucre est un facteur aggravant des caries dentaires.
  • Habituation au goût sucré : une exposition fréquente rend difficile l’acceptation des aliments moins sucrés.

Pour le Dr Sophie Laurin, pédiatre à Paris, « le sucre n’est pas un poison en soi. C’est sa fréquence, sa quantité, et principalement sa provenance industrielle qui posent problème. Un fruit au goûter, c’est du sucre, oui, mais c’est du bon sucre, accompagné de fibres et de vitamines. »

Que contient réellement un goûter “classique” ?

De nombreux parents, par manque de temps ou influencés par les stratégies marketing, se tournent vers des solutions toutes prêtes : barres chocolatées, biscuits fourrés, compotes sucrées, céréales aromatisées. Un goûter standard, composé d’une boisson sucrée et d’un snack industriel, peut facilement atteindre les 20 à 30 grammes de sucre ajouté. Cela représente la totalité, voire plus, de la dose journalière recommandée pour un enfant.

L’étiquetage nutritionnel n’est pas toujours lisible ou comparé, ce qui ajoute à la complexité des choix alimentaires. Les mentions « sans sucres ajoutés », « 100 % fruit », ou « naturel » peuvent induire en erreur.

Les recommandations des experts en nutrition infantile

Les instances de santé, comme Santé Publique France ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), proposent plusieurs règles simples pour un goûter équilibré :

  • Favoriser un fruit frais de saison ou une compote sans sucre ajouté
  • Introduire à chaque fois une source de protéines ou de calcium, comme un yaourt nature ou un morceau de fromage
  • Offrir de l’eau comme boisson principale, bannissant les sodas et jus sucrés
  • Inclure un produit céréalier complet : pain complet avec un peu de beurre par exemple

Ces recommandations visent à réduire les pics de glycémie trop élevés et à éviter les fringales qui surviennent souvent dans l’heure qui suit un goûter ultra-sucré.

Des parents en questionnement : entre contraintes et volonté d’éduquer

Dans la réalité du quotidien, les choses sont souvent plus nuancées. Stéphanie, mère de deux enfants à Marseille, témoigne : « Oui, je sais qu’il vaut mieux éviter les goûters industriels. Mais parfois, c’est une question de praticité. À la sortie de l’école, donner une barre de céréales, c’est rapide, ça se transporte bien… et les enfants adorent. »

D’autres familles optent pour un encadrement souple. Thomas, père célibataire à Nantes, explique : « Je n’interdis pas le sucre, mais je le réserve aux occasions : le mercredi, les anniversaires, ou une sortie spéciale. Le reste du temps, c’est pain-beurre et fruit. Sans dramatiser. »

Ce qui revient dans de nombreux témoignages, c’est la volonté de transmettre des habitudes alimentaires saines, tout en gardant une certaine flexibilité pour ne pas entrer dans une logique d’interdit absolu.

Interdire le sucre : une approche trop radicale ?

Certains experts mettent en garde contre les effets contre-productifs d’une interdiction totale. En psychologie comportementale, le fait d’interdire renforce parfois l’attrait. Le professeur Alain Duc, chercheur en sciences cognitives, souligne : « Chez l’enfant, la survalorisation d’un aliment interdit peut conduire à des stratégies de contournement et à une consommation compulsive dès qu’il y a une opportunité. L’éducation au goût est souvent plus efficace qu’un interdit strict. »

Ainsi, plutôt que d’interdire le sucre, plusieurs spécialistes recommandent de l’intégrer intelligemment dans l’alimentation, de manière ponctuelle, tout en diversifiant les propositions alimentaires et en développant le sens critique de l’enfant face à la publicité alimentaire.

Comment proposer un goûter sain et équilibré

Il est tout à fait possible d’offrir un goûter équilibré, varié, et apprécié par les enfants. Voici quelques idées approuvées par des diététiciennes :

  • Un fruit frais (pomme, banane, clémentine) + une tranche de pain complet + un carré de chocolat noir
  • Un yaourt nature + une petite poignée d’amandes (selon âge) + quelques dés de fruits
  • Un smoothie maison à base de lait et de fruits, sans sucre ajouté
  • Des muffins faits maison avec farine complète et banane pour sucrer naturellement

Le fait d’impliquer l’enfant dans la préparation du goûter permet aussi de développer son autonomie alimentaire et de mieux comprendre l’origine de ce qu’il mange.

L’école et la cantine : des leviers pour changer les habitudes

Plusieurs écoles en France ont déjà mis en place des politiques pour limiter les produits sucrés dans les goûters apportés par les élèves, notamment pendant les sorties scolaires ou les goûters d’anniversaire. Les cantines, soumises à des recommandations nutritionnelles strictes, tendent également à réduire les desserts sucrés au profit des laitages natures et fruits frais.

Ces initiatives peuvent agir comme des modèles pour les familles, en contribuant à faire évoluer les normes sociales autour du sucre.

Encadrer, informer, responsabiliser plutôt qu’interdire

Le sucre ne devrait pas être un aliment tabou, mais un élément dont la consommation doit être encadrée dès le plus jeune âge. Plutôt que de parler d’interdiction du sucre dans les goûters d’enfants, il semble aujourd’hui plus pertinent de miser sur l’éducation nutritionnelle. Cela passe par une meilleure lecture des étiquettes, des choix alimentaires éclairés, et une implication collective — parents, enseignants, professionnels de santé.

Dans ce débat, les témoignages de familles révèlent une évolution positive : les parents sont de plus en plus sensibilisés, mais demandent des outils concrets pour agir, sans culpabilité ni extrémisme. Car entre plaisir alimentaire et santé de l’enfant, un équilibre reste possible… et nécessaire.

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