Un système de retraite solide… mais inégalitaire
Le dernier rapport annuel de l’INPS dessine un panorama contrasté du système de retraite italien. Si le nombre de pensions reste stable autour de 16,3 millions, la répartition par genre révèle une inégalité persistante : 51 % des bénéficiaires sont des femmes, mais elles ne perçoivent que 44 % des recettes globales versées, soit 161 milliards d’euros contre 204 milliards pour les hommes.
Des chiffres clés qui ne trompent pas
Le rapport dévoile plusieurs tendances :
- Augmentation de la dépense totale:+ 4,5 % par rapport à l’année précédente, notamment tirée par la hausse des prestations assistantielles.
- Évolution des nouvelles pensions:les pensions de vieillesse sont en hausse, tandis que les départs anticipés (Quota 103) marquent un fléchissement malgré l’entrée en vigueur de la retraite dès 62 ans.
- Âge moyen au départ:64,8 ans pour l’ensemble des pensions (contre 64,2 ans en 2023) ; 67,2 ans pour la pension de vieillesse, 61,6 ans pour les anticipées.
Femmes bénéficiaires… mais moins bien rémunérées
Si les femmes représentent désormais la majorité des retraité·e·s, leur revenu moyen est significativement plus bas :
- Pension brute moyenne masculine:2 180,93 € par mois.
- Pension brute moyenne féminine:1 610,36 € par mois.
Un écart de plus de 570 € qui perdure chaque mois, traduisant un déficit cumulé annuel de plusieurs milliers d’euros pour chaque femme.
Pourquoi un tel écart ?
Plusieurs facteurs expliquent cette différence structurelle :
- Écarts de salaires en activité:les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes, notamment en raison des écarts de rémunération pour postes équivalents et de la sous-représentation dans les secteurs à hauts salaires.
- Carrières heurtées:entre congés maternité, temps partiel pour équilibre vie familiale/professionnelle et interruptions de carrière, la durée effective de cotisation des femmes est souvent réduite.
- Taux d’emploi féminin inférieur:en Italie, le taux d’activité des femmes reste en dessous de la moyenne européenne, avec un impact direct sur le montant des cotisations versées.
- Accumulation de droits:les hommes bénéficient plus souvent de revalorisations complémentaires (reclassements, périodes de maladie, rachat d’années d’études) que les femmes.
L’impact démographique sur l’avenir des retraites
Le président de l’INPS, Gabriele Fava, souligne la robustesse du système après les réformes successives, mais alerte sur le défi démographique : la population active devrait chuter de 5 millions entre 2024 et 2040 selon l’ISTAT. Pour maintenir l’équilibre financier, plusieurs pistes sont évoquées :
- Encourager le taux d’emploi féminin:grâce à des politiques d’accueil en crèche, d’aides à la garde et de formations ciblées.
- Valoriser les carrières longues:reconnaître et bonifier les périodes de congé maternité et de soins,
- Allonger ou flexibiliser l’âge légal:pour compenser la baisse des effectifs, avec des mécanismes incitatifs adéquats.
- Promotion du réemploi:développer l’emploi des seniors et leur passage progressif à temps partiel avant la retraite complète.
Comparaison avec l’Europe et enjeux de parité
Sur le plan communautaire, l’Italie accuse un retard notamment sur le taux d’emploi des femmes (55 % contre 68 % en moyenne UE) et sur l’égalité salariale. Pour combler le fossé, le pays pourrait s’inspirer des bonnes pratiques nordiques :
- Index égalité salariale obligatoire pour les entreprises,
- Crédits de cotisation automatiques durant les congés maternité et paternité,
- Cadre incitatif pour le retour des femmes dans des secteurs sous-représentés.
Réformes récentes et perspectives
Depuis la « Quota 103 », permettant un départ anticipé à 62 ans moyennant un ajustement actuariel, jusqu’à la revalorisation modérée des petites pensions, l’Italie tente de concilier équité et soutenabilité. Le rapport 2025 propose :
- Un recalibrage des mécanismes de décote et surcote pour mieux encourager la poursuite d’activité,
- La mise en place d’un minimum garanti revalorisé, avantageant les carrières courtes, surtout féminines,
- Une réflexion sur la diversification des sources de financement (fonds de pension, 3e pilier) pour alléger la pression sur le système public.
Le chemin vers une égalité réelle
La disparité des pensions hommes-femmes n’est pas qu’une question financière : elle reflète des inégalités de genre profondément ancrées dans le monde du travail. Pour chaque femme, la retraite doit devenir la juste récompense d’une carrière à part entière, sans pénalité liée à la maternité ou aux choix de vie. Les réformes à venir devront donc associer justice sociale, performance économique et durabilité démographique, afin que chaque Italienne puisse vieillir avec dignité et sécurité.