Un voyage cinéphile au cœur de la naissance de la Nouvelle Vague
En compétition officielle au Festival de Cannes 2025, Nouvelle vague de Richard Linklater ne se contente pas de célébrer le chef-d’œuvre de Jean-Luc Godard. À 25 ans, Godard bouleversa les codes du cinéma avec À bout de souffle, premier film d’une révolution stylistique. Linklater, Texan de 64 ans, nous offre un « film sur un film » : chaque plan, chaque mouvement de caméra est pensé pour reproduire les coulisses, les doutes et l’énergie créative qui ont façonné ce tournant historique.
L’approche de Linklater : passion et précision historique
Richard Linklater a choisi de raconter jour après jour, avec minutie, la production de À bout de souffle :
- Reconstitutions fidèles des lieux parisiens des années 1960 : cafés, Street-Courts et immeubles haussmanniens.
- Décors minimalistes et noir et blanc en 4/3, clin d’œil au format original de Godard.
- Acteurs scrupuleusement castés pour leur ressemblance avec Belmondo, Seberg et l’entourage de la nouvelle vague.
- Caméra à l’épaule et tournage en extérieur pour conserver la spontanéité des prises de vues à la volée.
Le résultat est un document qui, de prime abord, s’adresse aux cinéphiles mais qui, en réalité, captive tous les spectateurs par sa narration rythmée et son immersion totale.
Godard à l’épreuve du documentaire-fiction
Le plus fascinant dans Nouvelle vague, c’est de voir comment Godard, jeune critique devenu réalisateur, s’est heurté aux conventions. Linklater dépeint :
- Les disputes avec le producteur refusant certaines idées jugées trop risquées.
- Les retards de tournage liés aux improvisations de l’actrice Jean Seberg, partagée entre sa carrière hollywoodienne et l’aventure parisienne.
- Les critiques de la part des Cahiers du cinéma, Berceau de la critique devenue vivier de réalisateurs.
Linklater montre la tentation de l’échec, les mains moites avant la première projection, pour mieux souligner la victoire artistique une fois le film monté et projeté sur la Croisette de 1960.
L’art du casting : du sosie à la performance
Reconstituer un demi-siècle plus tard un casting iconique demande une préparation hors norme :
- Séances de maquillage et de coiffure inspirées des archives photographiques.
- Ateliers de jeu pour apprendre la diction et l’intonation de Belmondo et Seberg.
- Costumes « vintage » importés ou fidèlement reproduits pour replonger dans l’époque.
Chaque sosie incarne non seulement l’apparence, mais aussi l’attitude nonchalante si caractéristique de la nouvelle vague : marcher au ralenti, tenir la cigarette entre les doigts, léviter presque sur la pellicule.
Un récit pour tous : au-delà des cinéphiles
Bien que riche en clins d’œil aux amateurs de cinéma, Nouvelle vague se révèle accessible :
- Une structure narrative linéaire qui suit une quête : « comment faire un film qui change la donne ? »
- Une bande-son sélectionnée pour évoquer le Paris des années 60, sans tomber dans l’écueil de la nostalgie lourde.
- Des scènes d’atelier de montage et de projections-test qui démystifient l’envers du décor.
Les dialogues, souvent parlés en anglais, incluent des sous-titres français qui préservent l’humour pince-sans-rire de Linklater et l’esprit provocateur de Godard.
Une déclaration d’amour au cinéma et à la prise de risque
Si Linklater explore la genèse d’un classique, son film est surtout un hymne à l’audace : oser filmer sans filet, se jeter dans l’inconnu face à un budget limité, fédérer une équipe d’inconnus. De l’écriture sur un coin de table à la séance de montage nocturne, chaque étape s’apparente à un pari, une invitation à repenser ce qu’est le cinéma.
Pourquoi voir Nouvelle vague ?
Cet exercice de style mériterait sa place dans les cursus de cinéma, mais il séduira également :
- Celles et ceux qui rêvent de comprendre la magie derrière une œuvre révolutionnaire.
- Les passionnées de Paris vintage, curieuses de remonter le temps en arrière-scènes.
- Chacune qui cherche l’inspiration pour lancer son propre projet créatif, petit ou grand.
Au final, Richard Linklater nous rappelle que l’aventure d’un film se joue avant même la première prise, dans une énergie collective et un désir viscéral de bousculer les repères.